- TRANSPORTS - Transport aérien
- TRANSPORTS - Transport aérienMoins de cent ans après le premier vol d’Orville Wright sur une dune de Caroline du Nord (17 déc. 1903), l’avion est devenu un mode de transport banal dans les sociétés avancées et un outil précieux de développement pour les autres pays.Le transport aérien est né, au lendemain de la Première Guerre mondiale, de l’utilisation d’appareils militaires sommairement adaptés à cette nouvelle tâche, pilotés par des aviateurs en instance de démobilisation. Un réseau aérien commença ainsi à relier les grandes villes européennes ou américaines, à joindre les métropoles aux parties les plus lointaines de leurs empires et à suppléer aux transports de surface là où les rigueurs du climat, les difficultés du relief ou la longueur des distances à parcourir les rendaient inexploitables. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, les progrès du matériel volant avaient permis au transport aérien d’atteindre, dans certains cas, la rentabilité et de dessiner un réseau permettant de faire le tour du monde grâce aux traversées transatlantiques et transpacifiques.La Seconde Guerre mondiale vint considérablement accélérer le progrès technique, et le transport aérien joua un rôle important dans la conduite des hostilités. Comme en 1919, personnel et matériel furent rendus disponibles par la fin du conflit; ils reprirent du service sur les réseaux esquissés avant guerre, mais aussi sur de nouveaux parcours, notamment polaires. Le transport aérien de passagers se substitua en quelques années au chemin de fer sur les trajets transcontinentaux et au paquebot sur les parcours transocéaniques. Le nombre de participants actifs dans le transport aérien s’accrut considérablement, notamment en raison de la déréglementation ou tout au moins de la libéralisation de nombreux marchés.Au début des années 1990, le transport aérien est devenu une industrie majeure, dans les deux sens du terme, c’est-à-dire à la fois par son importance et par sa maturité. Le nombre de fois où un passager s’est embarqué dans un avion en 1993 dépasse celui de la population de la Chine; un quart environ de la valeur des marchandises transportées dans le monde l’est par voie aérienne ; on estime le chiffre d’affaires annuel de l’ensemble des compagnies à plus de 200 milliards de dollars, soit l’équivalent de l’addition des P.N.B. de tous les États du continent africain; un million et demi de personnes sont employées dans les compagnies aériennes, dont cent dix mille comme personnel navigant technique et deux cent vingt mille comme personnel navigant commercial.Mais le transport aérien a été secoué par trois crises au cours des années 1970 et 1980, au point de voir décroître le volume de son trafic, de 1990 à 1991, pour la première fois dans son histoire. La globalisation des échanges mondiaux, les regroupements économiques régionaux (Union européenne [U.E.], A.L.E.N.A. – Accord de libre-échange nord-américain), la privatisation des entreprises publiques et la libéralisation des échanges de capitaux transforment profondément les conditions dans lesquelles s’exerce cette activité.1. Le traficL’agrégat le plus large pour mesurer le trafic aérien est le nombre de tonnes-kilomètres réalisées, chiffre auquel on parvient en additionnant les tonnes-kilomètres de marchandises et de courrier et les passagers-kilomètres convertis forfaitairement en leur équivalent en masse. Ce chiffre s’est élevé, en 1992, à 244 milliards pour les services réguliers des compagnies aériennes des cent soixante-quatorze États membres de l’Organisation de l’aviation civile internationale (O.A.C.I.). Si l’on ajoute l’estimation que l’on peut faire du transport de passagers et de marchandises à la demande, on atteint environ 270 milliards.42 p. 100 de ce trafic est du trafic intérieur, dit «de cabotage», c’est-à-dire effectué entre deux escales situées sur le territoire d’un même État et réservé de droit aux entreprises de celui-ci. Dans ces 42 p. 100, la plus grande part revient aux États-Unis (24 p. 100) et à la fédération de Russie (7 p. 100), suivis, par ordre d’importance de leur trafic intérieur et en se limitant aux valeurs supérieures à 1 milliard de tonnes-kilomètres, par le Japon, la Chine, l’Australie, le Canada, le Brésil et la France. À eux huit, ces pays représentent 90 p. 100 du trafic aérien domestique mondial.Le trafic international est beaucoup moins concentré: les huit pays les plus importants ne représentent que 57 p. 100 du trafic international mondial. En tête se trouvent à nouveau les États-Unis, avec près de 20 p. 100, suivis, dans l’ordre, par le Royaume-Uni, le Japon, l’Allemagne, la France, Singapour, les Pays-Bas et la Corée du Sud.L’ensemble de ce trafic aérien mondial s’écoule sur un réseau constitué d’environ quatre mille aérodromes répartis dans le monde. Le réseau européen demeure le plus dense, sans être pour autant le plus intensivement fréquenté; le réseau intérieur américain s’est concentré ces dernières années en un système en étoile autour d’aéroports pivots dominés par quelques grandes compagnies; la route polaire entre l’Europe et l’Asie, qui avait remplacé l’ancienne route sud, a été supplantée par la transsibérienne; le réseau africain demeure épars et principalement nord-sud.L’évolution du trafic aérienOn estime à environ 210 millions le trafic aérien réalisé en 1929 (en passagers-kilomètres); en 1992, le chiffre correspondant est de 1 953 milliards; en un peu plus de soixante ans, le transport aérien s’est donc multiplié par près de dix mille. Le plus fort taux de croissance a été atteint dans les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, puis le rythme s’est ralenti: dans la décennie de 1960 à 1970, le taux d’augmentation annuel s’établissait entre 10 et 20 p. 100; dans la décennie de 1970 à 1980, autour de 10 p. 100; dans la décennie de 1980 à 1990, au-dessous de 10 p. 100. Le développement rapide du transport aérien dans les pays nouveaux n’est pas arrivé à compenser l’effet de son ralentissement sur ses plus grands marchés: le trafic aérien domestique américain n’a augmenté que de 5,4 p. 100 par an en moyenne ces dix dernières années, celui de l’U.R.S.S., devenue C.E.I. (Communauté des États indépendants), est pratiquement au même niveau en1992 qu’en 1982. C’est donc dans le transport aérien international que se trouvent les développements les plus spectaculaires; il représente une part croissante du trafic aérien dans le monde: 40 p. 100 du total en 1971, 51 p. 100 en 1981, 58 p. 100 en 1992 (fig. 1 et 2). Les cinq pays les plus importants demeurent les mêmes depuis que, à partir de 1969, le Japon a dépassé les Pays-Bas; ce sont, dans l’ordre en 1992: les États-Unis, le Royaume-Uni, le Japon, l’Allemagne et la France (tabl. 1). Les compagnies des États-Unis assurent le cinquième de ce trafic international en 1992 (tabl. 2), alors qu’elles en assuraient le quart vingt ans plus tôt. Dans le même temps, les compagnies européennes sont passées de 45 à 35 p. 100 du total; sept pays figuraient en 1970 au palmarès des dix pays les plus forts, il n’en reste plus que quatre, vingt ans plus tard: la Grande-Bretagne (10 p. 100 du total), l’Allemagne (6,1 p. 100), la France (5,4 p. 100) et les Pays-Bas (3,6 p. 100) [fig. 3]. L’Extrême-Orient est le grand bénéficiaire de ce changement: la part des pays d’Asie et du Pacifique est passée de 11,2 p. 100 du total en 1970 à 23,5 p. 100 en 1980 et à 24,8 p. 100 en 1990. Le Japon, qui était le seul pays de cette région du monde à figurer parmi les dix premiers, a été rejoint, dès 1980, par Singapour et la Corée du Sud; depuis lors, la situation a tendance à se stabiliser: si la compagnie singapourienne a continué son ascension en passant de 3,1 à 3,6 p. 100 du total mondial de 1980 à 1990, le pavillon coréen a diminué en part relative, de 3,2 à 3,0 p. 100. Le déclin du rythme de croissance du trafic aérien sur ses marchés les plus importants n’est donc que partiellement compensé par les progrès, en cours de ralentissement, des pavillons asiatiques (tabl. 3). Le taux de développement futur du transport aérien est envisagé avec de plus en plus de prudence par les experts des constructeurs de matériel aéronautique, ceux des entreprises de transport aérien et ceux des gouvernements; ils prévoient un taux annuel moyen de croissance jusqu’à 2001 de 5 à 6 p. 100 pour le trafic total (domestique et international) et de 6 à 7 p. 100 pour le trafic international seulement.2. Les matérielsL’évolution technique du véhicule a joué le rôle le plus important dans le développement du trafic aérien. C’est cette évolution qui a permis à la vitesse, à la charge marchande et au rayon d’action des avions de croître dans de telles proportions que les compagnies aériennes ont pu offrir un produit de plus en plus attrayant par son prix et par sa commodité. Si l’on mesure la productivité (sièges ou tonnage offerts par heure de vol) des appareils les plus représentatifs de chaque décennie depuis 1920, on obtient une courbe dont la pente s’accélère nettement avec l’entrée en service des avions à réaction vers 1960, puis des avions à fuselage large, dix ans plus tard; depuis lors, cette courbe se développe selon une pente moins abrupte.Les moteursLe moteur alternatif à combustion de produits pétroliers a régné en maître des origines de l’aviation jusqu’à la fin des années 1950, où il a été relayé par les moteurs à turbopropulsion et à turboréaction. Il ne reste plus guère que 4 p. 100 d’avions à moteurs à piston dans les flottes des transporteurs aériens commerciaux à la fin de 1991, contre encore 10 p. 100 en 1981; les avions à moteurs à réaction et à turbopropulseurs se partagent le reste du marché, en proportion à peu près constante depuis dix ans: avions à turboréacteurs, 77 p. 100 du total en 1991, 73 p. 100 en 1981; avions à turbopropulseurs, 19 p. 100 en 1991, 17 p. 100 en 1981. Il y a donc équilibre, dans les flottes mondiales, entre ces deux modes de propulsion. Le moteur à réaction est sans concurrent pour les puissances élevées, poussées jusqu’aux limites de résistance des cellules à l’échauffement cinétique (Concorde); l’augmentation du taux de dilution dans les moteurs à double flux a permis des progrès substantiels à la fois dans la consommation spécifique (d’où découle une augmentation de la charge marchande et/ou du rayon d’action) et dans l’atténuation du bruit, ce qui augmente le confort pour les passagers et diminue le niveau des nuisances aux abords des aéroports. L’avion à turbopropulseurs demeure pour sa part l’instrument privilégié du transport de faible capacité sur de courtes distances, grâce à l’avantage qu’il présente en consommation de carburant, malgré une vitesse moins élevée; il demeure très demandé puisqu’à la fin de 1991, sur six cent quarante avions de transport commerciaux en commande (poids maximal au décollage supérieur à 9 tonnes), deux cent vingt étaient des biturbopropulseurs et quatre cent vingt des multimoteurs à réaction. La fiabilité des moteurs a entraîné une baisse considérable des frais d’entretien, en même temps qu’elle contribuait de façon décisive à l’amélioration de la sécurité (fig. 4); elle a également permis le développement, depuis une dizaine d’années, des vols transocéaniques en biréacteurs.Les cellulesLa plupart des avions de transport sont maintenant pressurisés, sauf quelques court-courriers, ce qui impose une forme circulaire au fuselage, de toute façon préférable du point de vue aérodynamique, bien qu’elle ne soit pas parfaite en ce qui concerne l’habitabilité de la cellule. Cette imperfection s’atténue à mesure que s’accroît la section du fuselage; les avions à fuselage large (Airbus 300 et 310, Boeing 747 et 767, MD Douglas DC 10 et MD 11) constituent, à la fin de 1991, près du tiers de la flotte de multiréacteurs. Cette proportion est moindre qu’il y a cinq ans, sous l’influence de certains facteurs qui privilégient non plus la capacité d’emport, mais la fréquence des services et les vols directs. D’où le succès d’avions à réaction à fuselage étroit de diverses longueurs: Airbus A320/321/319, Boeing 737 de tous types, Boeing 757, MD Douglas des séries 80 et 90, Fokker 28 et 100.Les avions-cargosL’essentiel de la vingtaine de millions de tonnes des marchandises transportées par air dans le monde est embarqué dans les soutes des avions dits «mixtes», c’est-à-dire dont l’espace au-dessus du plancher de la soute est réservé aux passagers, ou dans des avions «combi», dans lesquels, en plus des soutes, le fret est chargé dans une partie du fuselage au-dessus du plancher. Le reste des marchandises est transporté dans des avions-cargos. C’est une utilisation toute trouvée pour des appareils déclassés (et l’on trouve encore à ce titre des bimoteurs à hélices vieux de plusieurs dizaines d’années); cela a permis d’amortir sur une plus longue durée un certain nombre d’avions démodés par l’arrivée d’avions plus performants dans les flottes de première ligne. Mais une grande partie des avions-cargos est constituée d’avions spécialement conçus à cet effet, dérivés d’avions pour passagers, B 747F, A 300 et A 310C, ou d’appareils militaires, Lockheed L 382/L 500, Iliouchine 76. La productivité de ces appareils en fait des concurrents redoutables pour les avions non spécialisés, du moins sur les gros courants de trafic. Toutefois, comme pour les passagers, l’effet de la fréquence, accru par le développement considérable des messageries de petit volume, et du rayon d’action, en raison de la mondialisation du marché, pousse vers une plus grande diversification de la flotte mondiale.Les constructeurs ont souvent pensé à offrir aux compagnies des versions à changement rapide de configuration entre l’utilisation pour les passagers et pour les marchandises (quick change ); les difficultés d’exploitation de cette formule font qu’elle est jusqu’ici peu répandue.Les hélicoptèresQuelque cinq mille deux cents hélicoptères sont utilisés dans le monde en transport aérien commercial. Les avantages de cette machine pour certaines utilisations sont évidents, mais, pour le transport normal de passagers ou de fret, le prix de revient élevé, lié à la complexité mécanique et à une dépense d’énergie plus grande que pour les appareils à voilure fixe, rend son importance marginale.PerspectivesLes projets futuristes de navette spatiale pour passagers, d’appareil hypersonique propulsé par un générateur magnétohydrodynamique ou de convertible à rotor caréné ne seront certainement pas les avions de demain. En revanche, on peut raisonnablement penser que les appareils en service au début du XXIe siècle seront ceux que nous connaissons à la fin du XXe siècle ou des dérivés de ceux-là.Le mur du son limitera aux environs de 1 000 kilomètres à l’heure la vitesse de la grande majorité des appareils. Concorde sera encore en service après l’an 2000; son faible taux d’utilisation dans les flottes d’Air France et de British Airways le lui permet, au prix d’une maintenance particulièrement attentive. Son successeur est sur les planches à dessin des ingénieurs: la capacité d’emport devrait être supérieure à celle du Concorde: de cent cinquante à deux cent cinquante places au lieu de cent; le rayon d’action plus étendu, de 10 000 à 12 000 kilomètres au lieu de 6 000; le nombre de Mach, en revanche, resterait compris entre 2 et 2,5, comme pour le supersonique actuel. Même en limitant ainsi les ambitions du futur avion de transport supersonique, les défis que pose la réalisation d’un tel projet sont tels qu’ils dépassent les capacités financières d’un seul constructeur et même d’un groupe de constructeurs. C’est ainsi que, pour la seule étude de faisabilité du projet, se sont associés Européens, Américains, Japonais et Russes, tant pour la cellule que pour les moteurs.Une telle collaboration est aussi envisagée pour les futurs très gros porteurs, de six cents à huit cents places; en effet, même si les problèmes techniques sont moins ardus que pour la réalisation d’une nouvelle génération d’appareils supersoniques, notamment parce que les moteurs nécessaires existent déjà ou tournent au banc d’essai, la construction de ces appareils très gros porteurs entraîne des frais d’étude et de développement de l’ordre de 10 milliards d’écus. Les projets révélés jusqu’ici par les différents constructeurs optent généralement pour la formule du quadriréacteur à double pont, encore que certains songent à juxtaposer deux fuselages côte à côte où à superposer un fuselage étroit à un fuselage large, «en trèfle». Ces nouveaux avions sont étudiés pour être compatibles avec l’infrastructure aéroportuaire actuelle, ce qui peut contraindre à des solutions comme le repli d’une partie de la voilure.En attendant le lancement de ces nouvelles machines, les constructeurs de cellules et de moteurs devront bien davantage se préoccuper de suivre les tendances de leur clientèle, compagnies aériennes et institutions de financement, frappées par la crise, qui a sérieusement réduit les carnets de commandes et donc les chaînes de production. Les quelque 800 milliards de dollars d’avions nouveaux, montant estimé du chiffre d’affaires de la construction aéronautique de 1993 à 2010, seront donc largement destinés au remplacement d’avions trop anciens, ou chassés des aéroports par les règles de plus en plus contraignantes en matière de bruit et de nuisances diverses.La structure bipolaire (États-Unis et Europe) de la construction aéronautique, telle qu’elle s’est organisée depuis les succès d’Airbus Industrie, est maintenant bien établie; elle s’accompagne, bien entendu, d’alliances avec les industries aéronautiques des pays, industrialisés ou en voie d’industrialisation, des autres continents, notamment le continent asiatique. L’élément nouveau important est l’entrée en jeu de la construction aéronautique de pays de l’ex-U.R.S.S. d’une façon sensiblement différente de celle que l’on connaissait jusqu’ici. Les appareils construits dans l’ancienne Union soviétique représentent à la fin des années 1990, en nombre, environ 15 p. 100 du parc mondial, mais ils sont concentrés presque uniquement dans les flottes des compagnies de l’ancien «bloc socialiste». La mise aux normes de construction, de navigabilité et d’entretien en vigueur dans le reste du monde, les participations croisées entre constructeurs des États de la C.E.I. et ceux des autres pays, les échanges en matière de recherche, de motorisation, d’équipements de bord modifient quelque peu les perspectives de la structure bipolaire prévalente jusqu’ici.La construction d’appareils court-courriers à turbopropulsion pose des problèmes techniques et financiers moins ardus, à la portée de puissances aéronautiques de moindre importance, du moins en ce qui concerne la construction des cellules. On peut donc prévoir une différentiation des sources d’approvisionnement en ce qui concerne ces modèles.3. Les entreprisesPlus d’un millier de compagnies aériennes existent aujourd’hui, de dimension et de structure très différentes, depuis les trois géants américains, American, United et Delta, réalisant chacun de 10 à 15 milliards de dollars de recettes annuelles et mettant en œuvre environ mille sept cents avions à eux trois, jusqu’à telle compagnie du Tiers Monde, dont l’équipement se réduit à un seul appareil.Le transport aérien internationalLongtemps, les compagnies aériennes ont été spécialisées dans le transport international ou dans le transport domestique; il en était ainsi aux États-Unis jusqu’au début des années 1980, au Royaume-Uni, en France, au Japon. La seule exception notable concernait l’U.R.S.S., et encore le transport international a-t-il toujours été confié à une division spéciale de l’immense conglomérat que constituait l’Aeroflot. La plupart des États alignaient une seule compagnie dans l’arène internationale; d’autres avaient choisi d’en avoir plusieurs qui pouvaient être soit concurrentes (États-Unis, Royaume-Uni), soit spécialisées sur des réseaux distincts (France, Canada). Cette structure a été profondément bouleversée ces dernières années; le facteur le plus important de ce bouleversement a été la conséquence de la déréglementation du transport aérien aux États-Unis: les plus puissantes compagnies américaines, jusque-là cantonnées sur le marché domestique des cinquante États de l’Union, ont pu étendre leur réseau à travers l’Atlantique et le Pacifique, ainsi que vers l’Amérique du Sud. Le Royaume-Uni a poursuivi sa politique de concurrence nationale, malgré l’absorption de British Caledonian par British Airways, et le Japon a autorisé All Nippon Airways et J.A.S. à se lancer sur certaines lignes jusque-là apanage exclusif de Japan Air Lines. La France a, au contraire, regroupé ses forces par la fusion Air France-U.T.A., réalisant l’unicité de son pavillon aérien international, à l’instar de la plupart des autres grands pays. À l’inverse des pays qui choisissent d’avoir sur la scène internationale plusieurs compagnies portant leur pavillon, l’étroitesse de certains marchés pousse certains autres États – et leurs compagnies nationales – à s’unir au sein de consortiums dont les deux plus anciens sont le Scandinavian Airlines System (S.A.S.), qui regroupe les compagnies danoise, suédoise et norvégienne, et Air Afrique, société multinationale de dix États d’Afrique occidentale et centrale. Un très grand nombre de regroupements, présentant un moins grand degré d’intégration que S.A.S. et Air Afrique, ont vu le jour ces dernières années. Plus ou moins stables, ces alliances portent sur les domaines techniques, commerciaux ou financiers, à travers les continents.Les plus importantes entreprises de transport aérien international régulier sont réunies au sein d’une association professionnelle, l’International Air Transport Association (I.A.T.A.), fondée en 1919 et réorganisée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Forte de deux cent quinze membres au milieu de 1993 (94 membres actifs dans l’association commerciale et la coordination tarifaire, 93 membres actifs dans l’association commerciale seulement, 28 membres associés), l’I.A.T.A. représente, depuis l’adhésion de l’Aeroflot en 1989, 95 p. 100 du trafic aérien régulier mondial, c’est-à-dire 85 p. 100 environ du trafic aérien total (régulier et non régulier).Le transport aérien domestiqueLe transport aérien entre deux points situés sur le territoire d’un même État est réservé aux entreprises de cet État. C’est dans ce domaine réservé que se sont développés les géants du transport aérien. En 1990, Aeroflot, alors la plus importante compagnie aérienne du monde, réalisait 91 p. 100 de son trafic (mesuré en tonnes-kilomètres réalisées), à l’intérieur des frontières de son pays; de même, 80 p. 100 du trafic des trois grandes compagnies américaines Delta, United et American était du trafic à l’intérieur des États-Unis. Même dans des pays de moindre dimension, tels que la France, le transport intérieur occupe une place très importante; en 1992, le nombre de passagers (non pondéré par la distance parcourue) transportés par Air Inter (16,4 millions) a été plus important que le chiffre correspondant pour Air France (avec U.T.A.): 14,6 millions.Le transport aérien domestique n’est pas, bien entendu, un domaine réservé aux grandes compagnies, c’est aussi celui où peuvent se développer petites et moyennes entreprises, qui naissent, disparaissent, se regroupent à un rythme accéléré. Leur survie dépend de leur aptitude à se maintenir, grâce à des coûts moins élevés, sur des marchés spécialisés (en américain: niches ) ou à s’associer aux compagnies dominantes, auxquelles elles servent de réseau d’appoint.Le transport aérien non régulierOn désigne sous ce nom le transport à la demande, par opposition au transport régulier, c’est-à-dire celui qui est accessible au public et exploité selon des horaires publiés.À l’époque où le système très rigide de tarification des services réguliers poussait la clientèle soucieuse de bas tarifs vers le transport à la demande, celui-ci a connu ses heures de gloire. La baisse des tarifs sur les vols réguliers, rendue possible par la déréglementation et la libéralisation, a considérablement réduit cet avantage. Il s’est ensuivi une chute spectaculaire de l’importance relative de cette activité, qui représentait au début des années 1970 près du tiers du transport aérien international de passagers (32,2 p. 100 en 1971) et qui n’en représente aujourd’hui qu’une beaucoup plus faible part (15 p. 100 environ en 1992, dont 7 p. 100 sur les vols à la demande des compagnies régulières et 8 p. 100 sur les vols à la demande des compagnies non régulières).Le transport de marchandises et de courrierEn 1992, le transport aérien de marchandises représentait, en tonnage kilométrique, environ le quart (25,4 p. 100) de l’activité des compagnies aériennes régulières, et même plus du tiers (35,1 p. 100) si l’on considère seulement le transport aérien international. Mais cette activité demeure nettement moins rentable que le transport de passagers, puisqu’elle ne rapporte que 10 p. 100 environ des recettes d’exploitation. Le transport aérien de marchandises représente toutefois, en longue période, le secteur le plus dynamique, puisque sa part dans le total des tonnes-kilomètres réalisées est passée de 21,9 p. 100 en 1972 à 22,4 p. 100 en 1982 et à 25,4 p. 100 en 1992. Cette croissance relative s’est faite en grande partie au détriment des articles postaux, dont la part ne cesse de diminuer (4,8 p. 100 en 1972, 2,8 p. 100 en 1982, 2,1 p. 100 en 1992). Autrement dit, au cours des vingt dernières années (1972-1992), le transport aérien de marchandises a connu une augmentation annuelle moyenne d’un point supérieure à celle du transport de passagers (7,5 p. 100 contre 6,5 p. 100) et de trois points supérieure à celle du transport de courrier (3,5 p. 100). La tendance ne peut que s’accentuer, au rythme des progrès du courrier électronique.Environ 40 p. 100 du total des marchandises transportées le sont au moyen d’avions «tout cargo»; le reste, dans les soutes des avions mixtes ou dans les volumes réservés au fret dans les avions combi. Les cinq compagnies mondiales les plus importantes dans le transport de marchandises représentent environ le tiers de ce trafic; ce sont, dans l’ordre: Federal Express (10 p. 100), Lufthansa (7 p. 100), Japan Air Lines (6 p. 100), Air France (6 p. 100) et Aeroflot (4 p. 100). Certaines compagnies se consacrent entièrement au transport aérien de marchandises: Federal Express (États-Unis), Nippon Cargo (Japon), Cargolux (Luxembourg), T.M.A. (Liban) sont les quatre plus importantes; pour d’autres compagnies, non spécialisées, le transport de marchandises représente une part importante de leur activité avoisinant ou dépassant la moitié (Korean Air, El Al, Air France), ou compris entre 40 et 50 p. 100 du total (Lufthansa, Sabena, K.L.M., Royal Jordanian, Air Gabon, Lan Chile, Cathay Pacific, Air Gabon, Air Madagascar).L’aviation généraleL’aviation civile ne se limite pas au transport aérien. Les quelque 13 000 aéronefs des transporteurs commerciaux aériens ne sont qu’une petite fraction (3,6 p. 100) des 380 000 aéronefs civils immatriculés par les États membres de l’O.A.C.I. à la fin de 1991. Leur activité se partage entre les vols d’affaires et d’agrément (55 p. 100 des heures de vol), les vols d’instruction (23 p. 100) et les vols de travail aérien (22 p. 100). Les monomoteurs à pistons forment la grande majorité des aéronefs d’aviation générale (274 000 sur 336 000), qui compte aussi la majorité des hélicoptères civils (14 500, contre seulement 5 400 pour l’aviation commerciale). La coexistence, dans le même espace aérien et dans les systèmes aéroportuaires, de l’aviation commerciale et l’aviation générale pose des problèmes parfois difficiles, résolus de façon différente selon les pays.4. L’organisation du marchéLe transport aérien a été organisé à la fin de la Seconde Guerre mondiale par une convention signée à Chicago le 7 décembre 1944; le préambule de cette convention lui donnait comme objectif que «l’aviation civile internationale puisse se développer de manière sûre et ordonnée et que les services internationaux de transport aérien puissent être établis sur la base de l’égalité des chances et exploités d’une manière saine et économique».Cinquante ans plus tard, l’aviation civile s’est incontestablement développée puisque le nombre de tonnes-kilomètres réalisées par l’ensemble des compagnies des États membres de l’O.A.C.I. (54 États en 1944, 181 en 1993) a été multiplié par 60 entre 1950 et 1990, alors que, pendant la même période, le produit national brut des États du monde était seulement quintuplé. L’aviation civile s’est développée de façon sûre, comme en témoigne l’évolution du nombre de passagers tués par centaines de millions de kilomètres parcourus. Le caractère ordonné de ce développement apparaît plus douteux: foisonnement d’accords bilatéraux disparates, pertes financières accumulées se chiffrant en milliards de dollars, faillites, fusions, alliances en tout genre. Le transport aérien est donc à la recherche d’une nouvelle organisation.La Convention de Chicago et ses suitesLa Convention de Chicago fait partie de la série de textes signés dans le cadre des Nations unies à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Dans sa partie normative, elle énonce un certain nombre de règles auxquelles doivent se plier les signataires et adhérents; dans sa partie institutionnelle, elle crée l’Organisation de l’aviation civile internationale (O.A.C.I.) dont le siège est à Montréal et dont l’action est relayée par sept bureaux régionaux: Afrique occidentale et centrale à Dakar; Afrique orientale et australe à Nairobi; Amérique du Nord, Amérique centrale et Caraïbes à Mexico; Amérique du Sud à Lima; Asie et Pacifique à Bangkok; Europe et Atlantique nord à Paris; Moyen-Orient au Caire.L’action de l’O.A.C.I., qui s’exerce par la tenue d’assemblées générales triennales ainsi que par le biais d’un conseil permanent de trente-trois membres, assisté d’un secrétariat général, s’est essentiellement manifestée par l’uniformisation aussi large que possible des installations et des procédures de navigation aérienne sans lesquelles le transport aérien n’aurait pu atteindre le degré de sécurité et de régularité qu’il connaît aujourd’hui. Cette action se poursuivra dans les années à venir par l’adaptation du système actuel au progrès technique: utilisation des satellites de télécommunication et informatisation plus poussée. L’œuvre normative de l’O.A.C.I. est également décisive dans les domaines de la sûreté (lutte contre toutes interventions illicites), de la protection de l’environnement (notamment par l’adoption de normes acoustiques universelles), du transport des matières dangereuses. À cela s’ajoute une action très positive en matière d’assistance aux nations en voie de développement dans le cadre du Programme des Nations unies pour le développement (P.N.U.D.) ou par des contributions volontaires des États. Dans le domaine des échanges économiques de transport aérien, la normalisation est au contraire quasi inexistante; ces échanges sont du ressort des États, en vertu du principe, proclamé dès l’article premier de la convention, que ceux-ci ont «souveraineté complète et exclusive sur l’espace aérien au-dessus de leur territoire».En conséquence, aucun avion immatriculé dans un des États membres ne peut embarquer ou débarquer passagers, marchandises ou courrier sur le territoire d’un autre État sans autorisation de celui-ci. Rien ne s’oppose à ce que cette autorisation soit unilatérale, mais elle prend généralement la forme d’un accord bilatéral entre deux États.Cet accord organise l’accès au marché d’entreprises désignées par chacun des États; cet accès est limité à certains services agréés, sur des routes définies par la succession des escales autorisées, selon des conditions plus ou moins strictes de capacité (c’est-à-dire de volume d’offre) et de tarifs.Les entreprises désignées doivent être la propriété des États signataires de l’accord ou de ressortissants de cet État, et être sous leur contrôle effectif. Les droits de trafic sont précisés selon une terminologie connue sous le nom des «cinq libertés»: droit de survoler sans atterrir; droit d’atterrir pour des raisons seulement techniques; droit de débarquer, sur le territoire d’un autre État, passagers, marchandises et courrier embarqués sur son propre territoire; droit d’embarquer, sur le territoire d’un autre État, passagers, marchandises et courrier pour les débarquer sur son propre territoire; droit d’embarquer et de débarquer, sur le territoire d’un autre État, passagers marchandises et courrier à destination ou en provenance d’un État tiers.La détermination du volume de l’offre est soit laissée à la discrétion des entreprises (modèle dit «bermudien», du nom de l’accord signé en 1946 aux Bermudes entre les États-Unis et le Royaume-Uni), soit déterminé à l’avance par les compagnies, sous le contrôle des États, comme c’est le cas pour la majorité des accords recensés par l’O.A.C.I., y compris le deuxième accord des Bermudes, renégocié en 1977 après que le premier eut été dénoncé par la Grande-Bretagne en 1976.Les tarifs sont approuvés par les gouvernements, sur proposition des compagnies, avec ou sans entente préalable entre elles, bilatéralement ou multilatéralement, dans le cadre de l’I.A.T.A. (International Air Transport Association).Les accords aériens règlent aussi les conditions d’établissement (agences, escales, emploi de personnel expatrié), les conditions de vente et de commercialisation (y compris par services informatisés), le transfert des recettes, le régime d’exemption fiscale et douanière des entreprises, ou tout autre sujet, au gré des parties contractantes.Vers un nouvel ordre mondial?Le transport aérien ne peut rester à l’écart de certaines grandes tendances qui caractérisent l’économie mondiale. Ainsi, la libéralisation des mouvements de capitaux rend les frontières plus perméables à des participations étrangères; les progrès de l’informatisation et la constitution de grands réseaux dominants s’appliquent fort bien à la réservation et à la vente des titres de transport aérien pour les passagers et les marchandises; les déficits budgétaires énormes poussent les États à privatiser les entreprises du secteur public; certaines régions du monde s’acheminent vers un degré d’intégration plus étroit (U.E., A.L.E.N.A.). Bon nombre de ces tendances, qui donnent le pas à l’économie sur la politique, vont à l’encontre des principes sur lesquels est fondé le transport aérien dans de nombreux pays. Ces principes sont à forte connotation politique en raison des antécédents guerriers du transport aérien et de ses implications militaires toujours actuelles, de son prestige, du lien de cohésion nationale qu’il constitue entre le centre et la périphérie de bien des États, de son utilité pour des industries jugées essentielles en amont (construction aéronautique) ou en aval (tourisme). C’est sur ces principes qu’est fondé le système traditionnel, dont les principales caractéristiques sont: l’autorisation administrative nécessaire pour créer une compagnie aérienne et exploiter un service aérien; l’exception de cabotage, qui réserve aux entreprises d’un État le trafic aérien à l’intérieur de celui-ci; la propriété nationale et le contrôle effectif national des entreprises; la négociation bilatérale des droits de trafic. Dans un grand nombre d’États, ces principes se traduisent en outre par les notions de service public, par l’octroi d’aides publiques à des entreprises de statut public.À l’opposé, les États Unis d’Amérique se sont lancés, à la fin des années 1970, dans une déréglementation totale du transport aérien. De son côté, la Communauté économique européenne a largement libéralisé cette activité en trois séries successives (1987, 1990, 1992) de mesures qui aboutiront, avant la fin du XXe siècle, à permettre à n’importe quel transporteur communautaire d’exploiter n’importe quel service aérien entre des aéroports situés à l’intérieur des frontières de la Communauté, devenue Union européenne depuis le 1er novembre 1993.Ces expériences, et de nombreuses autres un peu partout dans le monde, soumettent à rude épreuve le cadre dans lequel évoluait le transport aérien depuis ses origines. Une future réglementation du transport aérien international reste à définir; elle devra tenir plus largement compte que par le passé des exigences du marché, sans priver pour autant aucun État de la possibilité de participer au transport aérien mondial.
Encyclopédie Universelle. 2012.